Accessibilité handicapés (suite)

Publié le par cheznospotes

Mercredi dernier, j’ai assisté à une réunion d’information sur l’accessibilité aux personnes handicapées, organisée en partenariat avec la Chambre de Commerce. Etaient invités, les restaurateurs de la région. Ce fut, en fait, une sorte de séance de « travaux pratiques », où l’animateur vint « armé » de lunettes occultantes et d’un fauteuil roulant, pour nous aider à nous rendre compte. Démarche très intéressante, qui nous permit de voir à quel point la loi, elle-même, est inadaptée, demandant trop sur certains points, et pas assez sur d’autres.

C’est l’hôtel restaurant « Le Tribunal », à Mortagne au Perche, qui nous accueillit très aimablement. Ça me passera un jour de faire de la pub pour les concurrents, mais il faut dire que l’endroit est très agréable. Très chic. Précisons qu’on ne jouera pas tout à fait dans la même cour : une grande salle de restaurant, nappes en tissu blanc et fauteuils (je n’ai pas dit « chaises ») de style Louis XVI en velours rouge donnent l’ambiance. On sent les pros, et il y a du monde. Pour ceux qui seraient tentés, voici le site : http://www.hotel-tribunal.fr/

Nous nous retrouvâmes 6 restaurateurs de la région dans la salle du petit déjeuner et, après un tour de table de présentation qui commença par moi, je découvris au visage soudain fermé de certains, confirmé par leur attitude, que je ne rejoignais pas vraiment le club des Bisounours (ou le monde de Princesse Sarah, pour faire plus actuel…) et qu’un restaurateur de la région pouvait ne pas être forcément « hyper aimable » à mon égard, et me considérer davantage comme un concurrent que comme un collègue. Effet de parano ? Peut-être…Mais alors, on a parfois vraiment parfois affaire à des ploucs, dirons-nous…Je décidai de positiver et d’interpréter une certaine froideur ressentie de la part de certains, comme l’expression d’une crainte légitime, les collègues en question ayant sans doute décrypté mon charisme exceptionnel, et m’ayant identifié dès le premier coup d’œil comme un concurrent sérieux…lol Saluons, au contraire, l’attitude très cordiale de la directrice du « Petit Vatel », à Alençon (pas de site, désolé) qui, au moment de nous quitter, fut la seule à me « calculer », et me souhaita bonne chance dans la poursuite de mon installation.

Mais revenons à notre sujet. Au cours de cette réunion, j’appris quelques petites choses et préconisations qu’on ne trouve pas dans les lois, et qui, au delà d’une application stricte de normes parfois imbéciles, il faut l’avouer, permettent de faire savoir au client handicapé, ou simplement âgé, qu’on a pensé à lui. La hauteur d’affichage du menu à l’extérieur, par exemple, est, en général, totalement inadaptée à un public de petite taille ou assis en fauteuil. La réunion fut faite de constats : à nous d’inventer les solutions, mais cela constitue des pistes de réflexion intéressantes. Le comptoir d’accueil de l’hôtel restaurant donna lieu à une scène comique : la directrice, assise à son poste, et la personne en fauteuil qui rentre, ne peuvent que s’admirer leurs franges réciproques. Ici, pas de solution évidente, si ce n’est l’ajout d’une tablette rétractable qui permet au moins de signer un chèque à hauteur convenable. Pour les personnes malvoyantes (et en admettant, certes, qu’elles ne soient pas équipées à l’avance), le fait de rédiger le menu dans un caractère bien lisible, de taille raisonnable, et de mettre une loupe à disposition, peut constituer un geste commercial apprécié.

C’est Bibi qui simula la personne en fauteuil roulant qui se présente, de la rue, à l’hôtel. Après une attente assez longue, qu’il faut imaginer sous la pluie, et par grand vent (tant qu’à faire…), deux personnes apportèrent une rampe d’accès en métal, bien lourde, et la placèrent au dessus des marches, à l’entrée. Ben, je peux vous dire qu’assis dans le fauteuil, et peinant à escalader la rampe, j’ai compris pourquoi on exige une pente à 5% maxi, et un sas « de repos » au sommet. En effet, après avoir eu le plus grand mal à faire rouler le fauteuil jusqu’en haut, je me retrouvai face à une porte fermée, en position d’équilibre, et prêt à redescendre la pente avec pertes et fracas en arrière. Bien sûr, me direz-vous : dans ce cas là, on aide la personne. En fait, il ne faut pas oublier un petit bout de phrase dans les préconisations : « …pouvoir accéder, en toute autonomie… ». Nos efforts d’accessibilité devraient donc tendre à permettre de constater au dernier moment, et « incognito », la présence d’une personne handicapée à l’intérieur de notre commerce.

Un guide intéressant sur le sujet :

http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ACCESSIBILITE_DES_HOTELS.pdf .

La lecture de ce guide peut donner des suées…La préconisation, faite en page 88, en ce qui concerne les tables « mange-debout » donne, au contraire, une idée du côté ubuesque, et franchement comique, de la réponse à certaines questions…

Le point de vue des restaurateurs, maintenant : un « concurrent » évoqua des devis qu’il avait fait pour effectuer des travaux d’aménagement, et la réponse de son banquier : « ce n’est pas rentable »….Il est intéressant de constater qu’à part les aides officielles,  l’obligation faite aux commerçants d’effectuer les travaux d’accessibilité, n’est pas assortie d’une incitation forte aux banques pour prêter l’argent nécessaire pour effectuer ces travaux. « Rentabilité »…le mot est lâché. Penchons-nous sur la question et envisageons donc l’aspect purement financier de la chose : quelle est la proportion de personnes handicapées en France ? Quel est leur pouvoir d’achat ? (Ne criez pas : on parle « commerce pur », là….). Parmi ces personnes, quelle est la proportion de personnes qui sont susceptibles, lorsque nos établissements seront accessibles, de venir dans nos commerces ? Donc, pour mon cas, dans mon étude de marché, quelle est la part de ma clientèle, déjà difficile à fidéliser, qui utilisera les moyens coûteux que j’aurai mis en œuvre pour lui permettre l’accessibilité à mon restaurant ? Un élément de réponse : en 2011, la chambre spécialement aménagée pour un public en fauteuil  (qui représente tout de même la population nécessitant le plus fort investissement financier) fut fréquentée, à l’hôtel du Tribunal par….3 personnes directement concernées…Alors, évidemment, le raisonnement purement financier ne saurait faire office de contre-démonstration à lui seul, mais il permet tout de même de relativiser un peu, et de pointer une certaine solitude des commerçants face à une application stricte de la loi, surveillée par des associations souvent  pointilleuses, pas toujours très à l’écoute de notre point de vue, et qui nous placent parfois en tant qu’ennemis, plutôt qu’en tant que partenaires. On voudrait nous faire détester les handicapés, qu’on ne s’y prendrait pas autrement…

Ne mettons pas tout le monde dans le même panier : qu’on soit intransigeant pour les ERP neufs, c’est évident. Qu’on le soit pour les équipements publics ou médicaux, également. Mais qu’on n’oublie pas de faire des études au cas par cas, et parfois, de déroger, pour les commerces existants.

Pour conclure, je dirais que, si la loi doit, certes, être appliquée, certaines interprétations trop strictes de celle-ci représentent une grosse armada, bien inadaptée aux possibilités des commerces, et, finalement, aux réelles demandes et potentialités de fréquentation  des publics (ce n’est que mon point de vue…On pourra me dire que, si les établissements étaient équipés, la fréquentation serait plus forte…A voir…). Elle sonne à mes oreilles comme une « vengeance », sorte de revanche, sans doute légitime de la part d’une population trop souvent ignorée dans ses droits, mais qui nous ôte notre pouvoir d’inventer, d’un commun accord, des solutions au problème de l’accessibilité, et nous prive de notre compétence la plus fondamentale :  l’innovation, et l’originalité, en matière d’accueil commercial….

 

A see you soon !!!

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K
<br /> Je suis persuadé que SansClochette pourrait t'aider à lire tes menus aux personnes mal ou non-voyantes :-)<br />
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C
<br /> <br /> C'est vrai qu'opn a dit "accessible", mais on n'a pas dit forcément "accueillant"...Mdr<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> T'as pensé à faire éditer des menus en braille ?<br />
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C
<br /> <br /> Bonne question: le monsieur nous a dit que seuls 7% des aveugles savent lire le braille...(Il faut 4 ans pour l'apprendre, parait-il). La solution est donc un menu dicté par téléphone (<br /> <br /> <br /> http://www.allomenu.com/), ou un serveur complaisant qui l'explique à la personne (et, je te l'accorde: qui n'a que ça à faire...)<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Pas du tout. Tu me connais. Je ferais n'importe quoi pour valider les lois.<br /> <br /> <br /> Hein? Kestadi?....<br />
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C
<br /> <br /> Hescroc !!! lol (oui, avec du "H", en plus !!! lol)<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> pas mieux:-))))<br />
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C
<br /> <br /> Merci ! En plus, toi, tu flippes en lisant le chiffre de 3 par an et tu te vois déjà devant respecter ton engagement !!! lol<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> Bon comment veux-tu comprendre la loi si tu mets des lunettes "occultantes"pour voir à quel point la loi est inadaptée....LOL<br /> <br /> <br /> Pour les menus un systéme de rails qui permettrait de monter ou descendre le tableau menu....<br /> <br /> <br />  <br />
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C
<br /> <br /> Génial !!! Merci pour l'idée !<br /> <br /> <br /> <br />